06/08/2007
RE : RE : RE : RE : bien bas, Lise
C'est un comptoir surexposé. Des photos jaillissent entre les verres, pointant leurs lames accusatrices, car personne ici ne se connaît vraiment. Ce qui ne nous empêche pas, entre deux ou trois verres, de nous souvenir de l'un d'entre nous. De le reconnaître à sa course, à son essoufflement, car il siffle de la même façon que nous. Nous cracherons alors ensemble, nous nous collerons les uns aux autres et nos doigts s'emmêleront, nos yeux grossiront sous les verres. Le serveur s'approche et nous filme car il sait que bientôt, en toute apesanteur, nous allons disparaître à jamais.
Progressivement les chiens ont fait leurs cabanes. Ils ont d'abord arraché les planches des pancartes puis, les uns derrière les autres, se sont amusés à faire courir le bois sur toute la surface du globe.
Cela jappait beaucoup à ce moment-là. Des craquements tombaient par hasard sur des pans de nos cervelles inhabitées. Je me tordais au coin de tes lèvres, contre des angles qui fronçaient l'étable, qui creusaient des terriers de chambres en chambres, respirant d'autres draps, captant d'autres craquements, d'autres grimaces. Je regardais ta carapace adossée à une autre carapace, blocs immobiles à la symétrie impeccable, je me lavais longtemps dans cet espace, épongeant les dos à dos, le temps rétrécit de la menace, le filet de freins des peaux qui s'éloignent.
Cela jappait beaucoup cette nuit-là, entre toi et moi. Des insectes croustillants habitaient nos pelages et nous les dévorions avec délectation. Nous étions là avec nos ventres pleins de mandibules, déambulant d'une chambre à l'autre, mélangeant nos souffles acides à d'étranges manèges à trois.
Maintenant le jour ne transpire plus. Il gomme toute tentative d'échappée. Il rebouche les pores des ruelles, il comprime les traits humides des stores. Les lignes ne s'arrêteront plus. Les autobus rouleront à travers les arbres et tu te tiendras bien debout, les jambes écartées, fasciné par ces trajectoires de l'instant, avec la peur qui te regarde.
23:06 Publié dans textes inédits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Paralysie ordinaire, étirement de l'instant, Lise N.
09/07/2007
A la fontaine sèche ils savoureront noyés
"A la fontaine sèche ils savoureront noyés" est un recueil de 6 chants qui se déclinent en 50 paragraphes glacés et ouverts. C'est de l'amanisme érotique.
Extrait :
Nous ton cœur bleu à l’extérieur du paysage que tu tiens dans ta main avec lequel tu peins le paysage, nous ton cœur bleu au cœur fatigué, nous et ton cœur, pas assez vite, nous ton cœur fendu en quatre et pas une once de paysage au-delà de cette croix courbée que tu agites, il est juste tu trembles, il est juste ce paysage il tremble sur tes paupières fermées.
11:55 Publié dans textes inédits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Lise N., coeur bleu, amanisme érotique
17/02/2007
Amanisme érotique 1
"Amanisme érotique" est une série de textes visant la réconciliation des êtres humains fusionnels, des animaux collectifs et des plantes individualistes. Chaque texte se base sur l'analyse approfondie d'un entretien mené auprès des formes vivantes sus-citées, articulée au contenu des "mauvais rêves" engendrés par l'écoute du récit.
Assise à califourchon sur le poteau de la cour, elle se demandait quand allaient cesser les cris des oiseaux déchaînés qui, par saccades, picoraient son dos chevelu. Le bois entre ses jambes vrombissait une nappe frénétique et généreuse, appelant quelque chose bien à l’intérieur d’elle, fractionnant sa chair en piaillements visqueux, incontrôlables, qui résonnaient jusque dans les murs de l’école. L’écorce sous ses fesses piquait et marquait de sa langue chaque page arrachée, chaque bâton frappeur, chaque vignette noire de mauvais point, chaque coin d’âne glauque. Halète en gras et dans les yeux regarde la médiocrité du silence.
21:05 Publié dans textes inédits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie contemporaine, érotisme, amanite