Après Livresse les Utopiales

Il fallait peu de choses, juste un changement d’échelle, pour relativiser de manière extraordinaire les injustices et les souffrances du troupeau. Pour transformer une maladie professionnelle en une élection divine, un harcèlement moral en une ronde des esprits, des violences conjugales en une configuration cosmique favorisant l’accès à de plus hautes dimensions. Mais il ne s’agissait pas pour autant de quitter le plancher des vaches, la boue du pays, les machines qui déraillent, les clous de girofle plantés dans nos gencives ou les peaux qui desquament. Il fallait juste trouver de nouvelles façons de cultiver le chaînon manquant entre le tas d’ordures jonchant nos foyers et nos aspirations à la félicité.

Asthme : vérités et mensonges

Dans les sanatoriums les enfants asthmatiques sont les plus malheureux du monde mais aussi les plus heureux. Ils respirent enfin, loin de leur maison. Tous ne sont pas asthmatiques, certains sont des pipis au lit, d’autres ont seulement des parents qui les battent. Mademoiselle Hélène nous donne une douche froide et nous avons chaud une fois sorties. Nous sommes un seul cœur face au directeur de la Maison qui nous observe avec grand mépris du haut de sa Rolls. C’est là que je suis tombée amoureuse de tous les ados, j’avais neuf ans. Pascal me demandait de m’assoir à côté de lui, me rejetait puis me prenait dans ses bras lorsque je pleurais, c’était le même cinéma tous les lundi soir. C’est là que j’ai suivi Patrice au catéchisme, Remy dans la maison abandonnée. Je suis retournée en pèlerinage au sanatorium cet été, il avait brûlé, c’était un incendie criminel, il y avait des 666 partout, des pendus et dans la laverie, quelqu’un avait dessiné un cœur.

Le Beaujolais nouveau

Le Beaujolais nouveau est arrivé. J’irai boire le Beaujolais nouveau au gré des mauvaises rencontres. Celui-ci a un goût de banane, l’autre un goût de framboise. Je partage ce goût pour le Beaujolais nouveau, ce goût commun. Dans les rues de Toulouse, le Beaujolais nouveau ne coule plus à flot. Il coule encore ici, dans nos campagnes, avec les saucisses et le pâté de tête. J’ai pensé toute la nuit au Beaujolais nouveau et ce matin, j’ai la chair en compote.