02/11/2025
Symphonie si faux nez
L’a paumé son museau, celui qui l’inspirait tant, qui l’avait faite avancer par le bout du nez, elle croyait qu’il serait là tout le temps mais non rien de fixe, impossible de fixer quoi que ce soit. Elle louche, elle ne parvient pas à le fixer, elle pensait être fétichiste mais même pas, ce n’était qu’une passade cet attachement à certains détails de son museau. Quand on lui demande ce qu’elle est, elle est incapable de répondre. Elle sait au fond que ce n’est pas qu’une histoire d’étiquettes, cette façon d’être tout ou rien, elle réalise à quel point elle est tout et son contraire, à commencer par être ce que son museau refoule au plus profond. Elle est ce mouvement adverse qui conduit son museau à des blocages, à des apnées du sommeil ou à des actes auto-agressifs. Elle essaie d’ouvrir sa propre clenche, celle qui empêche l’air d’entrer et de sortir, elle sait qu’elle ne pourra pas le faire pour son museau mais au moins elle le fera pour elle, ce n’est pas elle qui pourra empêcher la clenche de ce museau-là de se refermer. Déjà il faudrait en avoir envie, de sentir ce portillon à l’arrière-cour, ce clapet retenant le plein de gazoline dans le haut-perché. Elle voit la forme que tout cela pourrait prendre d’ici quelques années, une poule industrielle avec des petits bras de tyrannosaure, une volaille à l’œil exorbité piquant un grain à moudre pour roter un cri, puis un autre, puis un autre, déjà des millions de grains auront été absorbés puis rotés et un beau jour, tout un organe livide sortira de son cloaque et il sera trop tard pour se demander de quel morceau il s’agit. Elle sait que son cœur a envie de dire ceci-cela, peut-il dire qu’il est ce qu’elle croit lire du reflux de son museau ? L’écho de ce reflux dans son refoulé à elle. Elle n’a pas manqué, à chaque instant, de penser à son cœur-museau mais déjà il a filé et elle ne ressent pas ce manque, terminé. Elle sent que le manque est déjà derrière elle, déjà il n’est plus là, ces derniers temps quand un nouveau museau apparaissait il était là et déjà il n’y était plus, emporté par la vague. Quand elle dit qu’il restera dans son cœur à tout jamais elle sait que c’est faux, mais son museau que ce soit vrai ou faux il s’en moque, tant qu’elle continue d’écrire c’est le principal, qu’elle parle de lui ou de quelqu’un d’autre peu importe, il sait que c’est un faux nez qu’elle pose sur ses textes. Son cœur est une carapace vide dans laquelle l’air ne fait que passer, cela fait de la musique, point. Elle n’est pas là la vraie solitude, elle sait que pour l’atteindre elle devra monter sur le dos de son museau, sur cette carapace où il n’y a que du vent, l’altérité c’est fini, plutôt l’altérité c’est ce qu’il adviendra de cette image. Elle doit commencer par abandonner le motif du museau, remarquez elle n’en a pas un mais plusieurs, il y a toujours une symphonie quelque part, mais qui peut quoi donc or ni car ?
21:59 Publié dans textes inédits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée, museau, symphonie, syphonnée

